Après les combats du 5 et 6 juin 1940 sur l’Aisne et l’Ailette, un matériel de guerre important fut abandonné dans la campagne aux alentours de Laon et Soissons. Lorsque les habitants rentrent de l’exode, bon nombre fidèles à l’appel du général de Gaulle du 18 juin, vont s’empresser de récupérer tout ce qui pourra aider à la résistance et à chasser l‘ennemi. Les carrières de pierres abandonnées dans les bois redeviennent des caches sûres, où sont stockées ces armes. Les premiers groupes de résistants sont isolés, dans une région placée sous haute surveillance, pendant les préparatifs du débarquement  Allemand en Angleterre. Les moyens de communication avec les Alliés sont inexistants. Les radios émetteurs fournis par les Anglais ne feront leur apparition que plus tard. Pour transmettre les renseignements en cette année 1940, les agents doivent les faire passer de l’autre côté de la Manche, grâce à des marins pêcheurs qui prennent d’énormes risques. Jusqu’en décembre 1941 les Anglais restent seuls à combattre, et les moyens qu’ils ont, sont réservés à leurs troupes pendant la bataille d’Angleterre. En octobre 1940, le gouvernement de Vichy promulgue les premières lois anti-juives et fait la chasse aux communistes. Ce sont ces directives qui vont pousser la plupart de ces hommes vers la résistance. Dans les administrations, les PTT, la SNCF, l’éducation nationale et les syndicats d’ouvriers, tous vont organiser des réseaux. En plus du renseignement sur les troupes d’occupation, les groupes se chargent de cacher et de trouver des faux papiers pour les prisonniers de guerre français évadés. Les mairies fournissent de fausses cartes d’identité et des tickets de rationnement. Fin 1940, le gouvernement de la France libre à Londres envoie du matériel radio et des agents formés pour l’espionnage et le renseignement. Jusqu’en 1942, les groupes de résistants de la région vont surtout s’intéresser aux travaux de constructions d’aérodromes. Ceux-ci sont utilisés comme bases de départ pour les bombardiers qui vont effectuer des raids sur Londres. L’entrée en guerre des USA permet l’envoi de matériel et d’armes plus modernes. L’industrie française étant mise au service de l’Allemagne, les Alliés ont besoin de savoir ce qui se passe de l’autre côté de la Manche. Avant le début des travaux à Margival, les groupes de résistants de la région, ont surtout pour mission de récupérer les pilotes de bombardiers alliés, abattus au-dessus de l’Aisne et de les cacher. Des navettes aériennes de nuit sont organisées pour les renvoyer rapidement en Angleterre. Avec les moyens qui leur sont accordés les petits groupes épars sont formés en réseaux plus ou moins grands. Chaque réseau travaille seul sans connaître les autres.
Cet isolement évite en cas d’arrestation, que plusieurs ne tombent. Ces réseaux portent un nom de code, et chaque membre de celui-ci est désigné par un pseudonyme. Les réseaux les plus actifs dans la région de Margival furent :Vélites Thermopyles Eleuthére, Bir Hakeim, Gautier, OCM ( organisation civile et militaire) FFI ( forces françaises de l’intérieur) FTP
( franc tireur et partisan). Le courage de ces hommes et femmes dans une région administrée par les Allemands n’est plus à prouver. Au nez et à la barbe de l’occupant un simple épicier devint le chef d’un réseau et la fille du coiffeur passe les contrôles avec, dans la pompe à vélo de sa bicyclette, des messages pour Londres.
Mais un grand nombre de Français reste fidèle au maréchal Pétain sauveur de la France, comme le dit si bien la chanson. Chaque résistant doit être méfiant car la plus insignifiante personne peut devenir un dénonciateur. Le gouvernement de Vichy encourage les dénonciations et offre même des récompenses aux délateurs. Les facteurs engagés dans les réseaux se chargeront d’intercepter et de détruire un grand nombre de ces courriers assassins.
 





























* L’évêché :ancien siège de la Gestapo à Soissons. (DL)
La ligne de démarcation et la zone interdite compliquent encore plus les échanges de renseignements. Pour faire évacuer un pilote ou un agent vers l’Angleterre, il n’est plus question de faire confiance à des passeurs qui rançonnent les gens en leur demandant des sommes énormes. Des terrains d’atterrissage sont trouvés sur les plateaux de la région comme à Blérancourt ou dans la plaine comme à Clermont-les-Fermes. Grâce aux messages codés de la BBC les réseaux connaissent les jours et la qualité de la livraison ( agents, armes, émetteurs etc…). Les agents de liaison radio (Radio) doivent prendre toutes les précautions pour que leur émetteur ne soit pas découvert par les voitures de détection Gonio allemandes. Le couvre feu et les patrouilles de nuit instaurés dès le début de l’occupation, rendent difficiles les sorties, les nuits de pleine lune pour aller baliser les terrains et recevoir les matériels. Le lendemain, les résistants devaient cacher ou redistribuer ceux-ci au nez et à la barbe des nazis. Un ancien membre du groupe Bir Hakeim de Soissons ( il avait 16 ans à l’époque) m’a raconté qu’il fut chargé par son chef de réseau d’aller chercher à vélo un émetteur à Saint Quentin et de le rapporter dans la même journée à Soissons, en passant par Laon pour y déposer des messages. Sur le chemin du retour, l’émetteur caché dans une valise ficelée sur le porte bagage de sa bicyclette, il fut arrêté par une sentinelle allemande postée devant le château de Mailly réquisitionné par la Wehrmacht. Celle-ci lui demanda ses papiers et où il allait, mais devant l’air ahuri du jeune homme il ne prit pas la peine de fouiller son bagage et lui intima l’ordre de circuler rapidement. La découverte de l’émetteur aurait signé sa perte et celui du réseau.
La bravoure et l’inconscience des ces jeunes partisans est à glorifier.
Ces deux qualificatifs sont indispensables, pour avoir l’audace de prendre en charge un aviateur américain qui ne parle pas un mot de français et de le convoyer par train de Soissons jusqu'à Paris. Après avoir passé tous les contrôles il fallait encore traverser la capitale pour le déposer à une adresse où d’autres personnes le prenaient en charge. Les années de 1940 à 1942 furent employées à structurer les réseaux et à établir des hiérarchies. Après le débarquement de Dieppe, les résistants savaient qu’un jour ou l’autre les Alliés débarqueraient en France et il fallait faire tout pour ralentir l’approvisionnement de l’armée allemande, en difficulté sur le front de l’Est et en Afrique. Des fermes travaillant sous contrôle de la WOOL furent incendiées. Dans les usines, fabriquant pour la Luftwaffe, comme à Chauny, des sabotages sur la production était courante.
 






















* Mon grand père en 1920 devant le bureau des artificiers démineurs.(DL)
Chez Wolber à Soissons qui produisait des pneumatiques pour la Wehrmacht, des résistants faisaient tout en sorte pour que la production soit défectueuse. Le groupe OCM de Craonne, dont faisait partie mon grand père, était chargé de fournir des renseignements et d’effectuer des sabotages sur l’aérodrome de Juvincourt. Ancien artificier démineur du génie militaire en retraite, de 1940 à 1944 il fut réquisitionné de force pour désamorcer les bombes non explosées après les raids des bombardiers alliés. Quand une piste était inemployable, car une bombe était plantée dans le sol, il effectuait sont travail avec un zèle et une lenteur digne d’un douanier Suisse en grève. Pendant tout ce temps une piste était inutilisable pour le décollage. D’autres membres du groupe réquisitionnés pour boucher les trous de bombe, coupaient les fils électriques des avions en passant par les trappes de trains d’atterrissage ou perçaient les réservoirs. Le réseau le plus actif dans l’Aisne pendant la guerre fut, sûrement, celui des cheminots. La plupart des agents de la SCNF étaient syndiqués et lorsque les syndicats furent interdits, la majorité entra en résistance. Le musée de la résistance et de la déportation de Fargniers en est un fervent témoignage. Dans le livre « la bataille du rail » il est bien démontré avec quel acharnement les cheminots ont combattu l’occupant. Dérayages de train, sabotages d’aiguillages, erreurs d’acheminement des convois, tout était bon pour ennuyer l’ennemi.
En septembre 1942, lorsque les premières réquisitions d’ouvriers pour Margival sont ordonnées par les préfectures, les réseaux de l’Aisne sont mis en alerte. Les Alliés veulent avoir des informations sur ces gros travaux qui se font entre Soissons et Laon. Les chantiers de fortification sur l’ensemble du territoire vont être prioritaires pour la recherche de renseignements. Le besoin sans cesse croissant de main d’œuvre facilite l’infiltration d’agents au sein des équipes de construction. Le groupe Gauthier qui est le plus important dans le secteur va se charger de placer ces hommes. L’ampleur des travaux qui, rappelons le, a employé 20 000 ouvriers sur plusieurs centaines de chantiers fut une tache hardie. Il fallut trouver de nouveaux membres sûrs, capables de fournir des renseignements intéressants.
Les Allemands savaient très bien que des fuites allaient se produire. Dans toute cette masse, des personnes pro Allemandes ou fidèles au gouvernement de Vichy servaient d’agents de renseignement de la Gestapo ou de la milice. Très vite ces taupes ou moutons firent circuler des ragots de toute sorte pour attirer d’éventuels résistants. Ces bobards pouvaient les mettre en contact avec un réseau qu’il suffisait de surveiller pour ensuite, faire tomber tous les membres. Monsieur Lucien Loisel de Blérancourt que j’ai interrogé comme ancien requis, me relatait qu’au moment du repas de midi sur les chantiers, il y avait toujours des ouvriers qui faisaient circuler toutes sortes d’informations. La plus répétitive parlait de la venue prochaine d’Hitler en personne ou de l’arrivée de son train sous le tunnel de Vauxaillon ou en gare de Soissons. Très prudent, car au courant de la présence des moutons, il s’est toujours méfié des inconnus aux « grandes gueules ». Un soir de 1943, un de ces amis est venu le voir chez ses parents pour lui demander s’il serait intéressé pour rentrer dans la résistance et fournir des informations sur les chantiers qu’il fréquentait. Le sachant membre d’un groupe de Coucy le Château, il lui demanda de ne pas mettre en danger sa famille en venant le soir chez lui, mais qu’il pouvait l’attendre au bord de la route quand il se rendait au travail à vélo. Sa situation était difficile et il ne voulait pas prendre de risques inutiles. L’idée d’entrer en résistance ne lui déplaisait pas et il eu des contacts avec cet homme en avril, mai et juin 1943. Lorsque tout le groupe Gauthier fut arrêté en juin 1944 et suite aux parachutages manqués sur le plateau de Blérancourt, Lucien Loisel se cacha sous une fausse identité en Seine et Marne. Depuis juin 1943 il était réfractaire STO et recherché. Une partie de ce chapitre sera consacré aux agissements du groupe Gauthier.
L’action de tous ces réseaux a vraiment influencé le cour des événements pour la libération de notre département. Dés le débarquement, les cheminots firent sauter toutes les lignes de chemins de fer utiles aux Allemands. Hitler ne put venir à Margival le 17 juin en train, car toutes les nuits des déraillements avaient lieu. L’aérodrome de Juvincourt, sous surveillance du groupe OCM, fut bombardé le 16 au soir, ce qui empêcha l’atterrissage de l’avion du Führer, l’obligeant à se poser à Metz. Les lignes téléphoniques indispensables pour la liaison entre Margival et le reste du front sont aussi sujet à sabotages. Dans la mesure de leurs compétences, chaque résistant a apporté sa contribution.
Commune de
 

Margival
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Mise à jour 19 septembre 2020
 
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